Inventé dans les années 50, le triangle dramatique ou triangle de Karpmann, était à cette époque une vraie révolution : vis-à-vis des concepts traditionnellement binaires (stimulus-réponse, émetteur-récepteur, etc.), il apportait une nouvelle dimension en intégrant trois protagonistes ; qui, en plus, changeaient régulièrement de rôles au sein du jeu, voire, en assumaient plusieurs en même temps. Un concept à la fois riche et innovant, qui explique pourquoi il figure – plus de 60 ans après la proposition de Stephen Karpmann- parmi les plus utilisés dans le monde du coaching.

PRÉSENTATION ET CARACTÉRISTIQUES

Le triangle de Karpmann est représenté pointant vers le bas, vers la position de la Victime. Au dessus, sur sa gauche, figure le Persécuteur et sur sa droite, le Sauveteur. Si la représentation laisse sous-entendre que ces deux derniers protagonistes disposent du pouvoir, il n’en est rien : dans l’approche système, c’est bien la Victime qui mène le jeu de la manipulation. Car, sans elle, les deux autres n’ont pas de raisons de se rencontrer.

Les flèches représentées sur le triangle Dramatique traduisent, aussi bien, les interactions entre les trois positions, les échanges de rôles et, plus globalement, la communication entre les parties au sein d’une même personne. Résolument dynamique, il sous-entend que chaque individu, qui y participe, dispose d’une capacité à endosser les trois rôles. A noter la présence d’un quatrième rôle, celui du public, qui peut influencer le cours de choses.

Les acteurs de ce jeu sont rarement conscients du personnage qu’ils incarnent – celui-ci oscillant au sein des échanges. A l’image d’une Victime interagissant avec un Sauveteur, cherchant une relation de soutien et d’aide et endossant quelquefois, à son tour, le rôle de Persécuteur ou de Sauveteur. Souvent la manœuvre est répétitive, les mêmes participants tiennent les mêmes rôles, pour aboutir aux même conclusions formulées par un « C’est toujours pareil…» ou « Une fois de plus… ».

EXEMPLE DE JEU PSYCHOLOGIQUE

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Alain (Persécuteur) : Tu es encore en retard ! 

Marie (Victime) : Il a fallu que je m’occupe de boucler le dossier ! 

Alain (Persécuteur) : Ah ! tu n’aurais pas pu le faire avant ?

Marie (Victime) : J’étais bien obligée d’intégrer le dernier avis du client !

Alain (Persécuteur) : Et tes collaborateurs, ils te servent à quoi ? Si tu savais déléguer, tu serais plus efficace !

Marie (Sauveur) : Non, mes collaborateurs sont débordés et je ne tiens pas à les bousculer d’avantage.

Alain (Victime) : Et tu crois pas que je suis débordé, moi aussi ?

Marie (Sauveur) : Oui je sais, tu occupes un poste à forte responsabilité, c’est vrai !

Alain (Victime) : Et il faut encore que je prépare la prochaine réunion…

Marie (Sauveur) : Je peux t’aider à le faire si tu veux.

Alain (Persécuteur) : Ah ! non ! le temps que je t’explique et que tu comprennes, ça va prendre trop de temps !

Marie (Persécuteur) : Si le projet était bien géré, peut-être qu’on en serait pas là non plus !

Alain (Victime) : Que veux-tu dire, que je ne sais pas gérer ? Tu crois que c’est facile ?

Marie (Persécuteur) : Ce n’est pas plus difficile que ce que je fais et je suis peut-être en retard, mais au moins le dossier est bouclé.

Alain (Persécuteur) : Mais oui, c’est ça, tu sais tout faire toi, j’avais oublié !

Le dialogue peut se poursuivre indéfiniment. Il n’y a pas de solution parce que chacun endosse son rôle et ce rôle incite l’autre à endosser le sien.

Ce jeu est répétitif et épuisant.

OFFRE DE POSITIONNEMENT

Mais si le triangle de Karpmann est communément appelé « le triangle Dramatique », c’est parce qu’aucun des participants n’en ressort indemne. Intenses, les relations vécues au sein de ce jeu sont assimilées à une drogue, destinée à se remplir de reconnaissance sociale et existentielle.

Sans être parfaitement à l’abri de ce genre d’interactions, il existe des stratagèmes d’évitement ou d’esquive, qu’il est bon de connaître. Comme ceux-ci :

– Eviter tout simplement la relation négative, qui invite à entrer dans ce jeu

– Fuir les interactions où il n’y a pas de silence ou d’espace entre les interventions : il s’agit d’un signe de jeu de pouvoir ou de manipulation.

– Opter pour la stratégie du miroir, afin de jouer le même rôle que votre interlocuteur : la relation ne sera plus complémentaire mais compétitive.

– « Qualifier » la personne en soulignant son courage ou ses belles motivations

– Rester neutre, interrogatif et résolument bienveillant

– Jouer sur l’humour (avec parcimonie et avec le bon public)

VERS UNE APPROCHE RÉSOLUTOIRE

Mais, en Analyse Transactionnelle, le triangle Dramatique est corrélé des « trois P » – trois rôles définitivement positifs – que sont la Permission, la Protection et la Puissance. Aussi indispensables qu’indissociables, dans l’accompagnement des clients. Le premier offre un espace de croissance au patient, pour s’épanouir selon ses vœux ; le second délivre un cadre de travail (cf. contrat) ; le troisième – fruit de la présence de la Permission et de la Protection – émane à la fois du client, assimilé comme quelqu’un d’intelligent et de responsable, et du coach, considéré comme la personne ressource, offrant les moyens pertinents pour accompagner au mieux le coaché.

Ainsi et même si le triangle Dramatique et les trois P n’ont pas été conçus par le même auteur, la Permission fait face au Sauveteur, la Protection au Persécuteur et la Puissance à la Victime, afin de modéliser une démarche positive, répondant à la recherche du client.